Document. Rencontre avec l’ado qui a déclenché la révolution en Syrie
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Document. Rencontre avec l’ado qui a déclenché la révolution en Syrie
(Dessin de Mayk paru dans Sydsvenskan. Malmö.)
Après des mois d’enquête, le journal canadien The Globe and Mail a retrouvé Naief Abazid. Quand il avait 14 ans, en 2011, son tag anti-Bachar El-Assad et son arrestation avaient mis le feu aux poudres à Deraa, dans le sud-ouest de la Syrie, et précipité la guerre civile. Il raconte son histoire pour la première fois.
C’est le résultat d’une enquête minutieuse de six mois menée par Mark MacKinnon, grand reporter du quotidien canadien The Globe and Mail. Six mois à sillonner le Moyen-Orient puis l’Europe, après avoir appris que Naief Abazid, son sujet, faisait partie de la cohorte de réfugiés syriens à avoir rejoint le Vieux Continent.
Mark MacKinnon explique dans un making-of qu’il était à la recherche de celui à l’origine de ce qu’il appelle le “moment Sarajevo” de la guerre civile syrienne, en référence à l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche le 28 juin 1914, l’événement déclencheur de la Première Guerre mondiale. Il raconte en plus de 12 000 mots les cinq années passées par celui qui, alors qu’il avait 14 ans, a écrit sur un mur de sa ville : “Vous êtes le prochain sur la liste, Docteur Bachar El-Assad.”
Les faits se sont déroulés à Deraa, dans le sud-ouest de la Syrie, le 16 février 2011. En plein “printemps arabe”. “C’était une idée incendiaire, écrit The Globe and Mail, suggérer que la dictature baasiste serait la prochaine à tomber après les révolutions en Tunisie et en Égypte.” Mais celui qui la formule n’a pas d’intentions politiques, “il fait juste ce que lui disent de faire les plus grands, il essaye de les faire rire”.
Des semaines de torture
“C’était stupide”, raconte aujourd’hui Naief Abazid au Globe and Mail, assis dans un McDonald’s à Vienne, où il vit depuis un an. Il n’avait jamais parlé aux médias auparavant. “J’ai réalisé que c’était sérieux seulement quand je suis arrivé en prison.” Après ce tag, Naief et vingt-deux autres jeunes sont arrêtés par les autorités et torturés pendant des semaines. “La disparition de si nombreux enfants de Deraa se retrouvant aux mains des autorités est quelque chose que les citoyens, malgré leur peur constante du régime, n’ont pas pu tolérer”, retrace le journal canadien. Une révolte éclate dans la ville.
Le 17 février, en réaction à ce qui se déroule dans le sud du pays, une première foule se réunit à Damas aux cris de : “Le peuple syrien ne se laissera pas humilier.” On connaît la suite : le gouvernement promet des réformes mais continue les violences et réprime de plus en plus durement les protestations.
La bataille de Deraa
Le 20 mars 2011, les garçons sont libérés et rendus à leurs proches. “C’était comme un mariage”, se remémore Naief. Le jeune homme poursuit : “Je ne comprenais pas pourquoi les gens nous traitaient de héros. Je voulais juste rentrer chez moi et voir ma mère.” Leur acte a pourtant provoqué un déclic dans la population. “Des décennies de peur et de soumission avaient laissé place à une colère de défi”, explique The Globe and Mail.
La première année du conflit, Naief Abazid et sa famille restent à Deraa. L’adolescent ne prend pas les armes, dit-il, à part ses bombes de peinture pour taguer les murs de la ville. Malgré cela, un jour, un soldat des forces gouvernementales l’aperçoit dans la rue et lui tire dessus. Une balle traverse son bras. Naief réussit tout de même à s’enfuir et retrouve ses alliés anti-Bachar. Il est évacué le lendemain dans un hôpital en Jordanie.
Destruction
Ses parents et sa famille proche le rejoignent rapidement de l’autre côté de la frontière, dans la ville presque voisine d’Ar-Ramtha. Ils passeront “deux années sans espoir” en Jordanie, avant de prendre la décision de retourner en Syrie, fin 2014. À Deraa, leur quartier est sous le contrôle de l’Armée syrienne libre. “Je ne m’attendais pas à voir ce que j’ai vu, confie Naief. J’avais vu des vidéos sur YouTube mais je n’y étais quand même pas préparé. Tout était détruit, à terre.”
En septembre 2015, après sept mois “horribles” passés chez eux – “on était surpris lorsque il n’y avait pas de bombardement pendant vingt-quatre heures”, raconte le jeune homme –, la famille de Naief voit sur Al-Jazira la déclaration d’Angela Merkel, qui annonce que l’Allemagne accueillera tout réfugié syrien arrivant à sa frontière. La décision est alors prise d’envoyer Naief, son frère et son cousin pour un long voyage vers l’Europe.
L’exil
Ils traversent la Syrie en direction de la frontière turque à bord d’un minibus, passant par les anciennes ruines de Palmyre et le territoire contrôlé par l’État islamique, plus au nord. Le voyage de 1 000 kilomètres leur coûte 1 000 dollars par personne. Ils ont un aperçu de la terreur imposée par l’organisation terroriste lorsqu’ils croisent un cadavre disposé sur un rond-point, sa tête décapitée placée sur les genoux.
Après le passage de la frontière et le paiement à d’autres passeurs de 1 100 dollars chacun, ils se rendent dans la ville portuaire d’Izmir en car. Là-bas, ils se serrent sur un bateau pneumatique en direction de Lesbos. Sur l’île grecque, Naief paie 60 euros pour une place sur un ferry vers Athènes. De là, il part à pied vers le nord du pays en compagnie de centaines de réfugiés de toutes origines, en suivant les voies de chemin de fer. “Et là, ça devient flou”, constate The Globe and Mail. Naief se souvient être passé par la Serbie, puis la Hongrie, où il est arrêté. Les autorités hongroises le mettent en vitesse dans un train en direction de Vienne.
S’adapter à l’Autriche
“Là-bas, au final, Naief peut respirer.” Malgré leur intention première de rejoindre l’Allemagne, le jeune homme et son cousin décident de rester en Autriche, où des volontaires les accueillent avec le sourire et des vivres. “Ça nous semblait magnifique, et sûr”, se souvient Naief. Son frère, lui, poursuit sa route jusqu’en Allemagne.
Mais le jeune Syrien parle aussi de ses difficultés d’adaptation, toujours d’actualité. “Il dit trouver choquant de voir des jeunes femmes dehors tard le soir, souvent en compagnie de jeunes hommes, dans les rues de Vienne”, rapporte le journal canadien. “C’est très difficile pour moi de trouver l’amour ici, les Autrichiennes sont si différentes des Syriennes”, se plaint Naief. Très difficile aussi de trouver du travail pour ce jeune de 19 ans, toujours au chômage un an après son arrivée. Depuis trois mois, il admet se sentir “moins à l’aise” dans son pays d’adoption, de moins en moins accueillant à l’égard des réfugiés.
“La volonté de Dieu”
Quand Mark MacKinnon lui demande s’il regrette son tag anti-Bachar, Naief prend quelques secondes pour réfléchir :
"Je suis partagé. D’un côté, je le regrette, à cause de tous ces gens qui ont été tués et envoyés en prison, et de tous ces gens devenus sans-abri ou réfugiés. Mais d’un autre côté, c’était la volonté de Dieu, et j’en suis fier. Quelque chose devait arriver en Syrie. Quelque chose devait changer.”
FAB42- Chef
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Re: Document. Rencontre avec l’ado qui a déclenché la révolution en Syrie
J'aime bien écouter aussi ce qu'ont à dire les femmes
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