"Soixante-soixante-deux" Eddy Mitchell
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"Soixante-soixante-deux" Eddy Mitchell
« La tournée des popotes d’Eddy Mitchell » un article d’Agathe Logeart *** En mémoire en tant qu'appelé pendant la guerre d'Algérie, Eddy crée la chanson "Soixante-soixante-deux"
Je préfère les naufrageurs
L'Algérie c'est beau
Oui mais vue du Sacré Coeur
Soixante, soixante-deux
Quelque part ça m'fait peur… (La chanson complète à la fin, avec la vidéo…)
Oui, peur. L’Algérie, quand on a commencé à en parler, il savait à peine où c’était, lui le môme de Belleville qui habitait précisément boulevard d’Algérie, à la lisière des fortifs. Il était Chaussette Noire, lui. Banane et gomina. Twist à Saint-Tropez, bottes souples à bout carré et dactylo rock, s’il vous plaît.
Quand l’armée l’a rattrapé, elle s’est dit qu’elle faisait une bonne affaire. D’accord, il a mis le chambard le temps de ses classes à Montlhéry. Incapable d’apprendre à conduire, il a bousillé une Jeep et un camion. Il a menacé de faire un procès si sa femme le quittait pour cause de boule à zéro. Mais Eddy était une star. Une idée loufoque a alors germé dans la tête d’un fonctionnaire du ministère: puisque Claude Moine, dit Eddy Mitchell, devait – comme tout le monde – partir en Algérie, autant que cela serve à quelque chose. Il irait donc chanter pour la troupe, histoire de remonter un moral passablement déclinant après huit ans de guerre. Pas de discussion: c’est ça ou la taule.
Alors va pour le théâtre aux armées…
Mais, attention ! M. Eddy n’aime pas qu’on lui force la main et il a une franche détestation de tout ce qui est militaire. Il voulait bien chanter mais à ses conditions: pas question de se couper les cheveux. Ni de manger à la table des officiers. Ni de dormir à la caserne. Ni de se priver de la présence de sa femme. Pour le reste, s’ils voulaient qu’il chante, eh bien il chanterait. L’armée s’est même offert une semaine de Chaussettes Noires à l’Olympia avant le départ. Et a encaissé la recette pour ses bonnes œuvres.
L’Algérie, Eddy Mitchell connaissait déjà. Il y avait fait une tournée en 1961. Alger, Tiaret… Pas que de bons souvenirs. A Oran, le gala au théâtre de verdure avait dû être annulé : l’OAS menaçait de mettre une bombe ; il n’était pas question qu’Arabes et «Européens» puissent assister ensemble au spectacle. Dans une rue, un jour, il avait vu de jeunes «Européens» courser de jeunes Arabes avec une lanière de cuir et une pierre au bout. La veille, un pied-noir aurait été égorgé. En représailles, deux Arabes auraient été balancés dans le port.
]Eddy a commencé à comprendre pourquoi son copain Michel, revenu de vingt-huit mois de service militaire, se jetait par terre chaque fois qu’un pot d’échappement faisait trop de bruit. Maintenant, ça le faisait moins rigoler.
Il savait bien qu’en Algérie les gens ne s’embrassaient pas sur la bouche. Mais il pensait que ça se passait loin. Dans le bled. Alors il y est retourné chanter. En emmerdant les officiers le plus possible. Il les traitait de cons, leur disait que s’ils n’étaient pas contents il ne chanterait pas. Il jouait au sale gosse. Comme pour se venger des récits hargneux de ceux qui, à leur vingtième bière, se vantaient d’avoir massacré les Arabes qui leur étaient tombés entre les mains. Il tentait de chasser les vilaines images. Il se disait que, comme tous les mômes, il ne comprenait rien. Qu’il y avait des gens formidables des deux côtés et qu’ils devraient arriver à s’entendre.
Il a chanté donc. Et puis il est rentré en France. Et son cauchemar a commencé. Soixante, soixante-deux, y avait pas que des rockers…
En 1962, l’appelé Claude Moine (Eddy Mitchell) a lui aussi servi en Algérie : en chantant pour les appelés, qui avaient le moral dans les chaussettes.
C’est toujours le même cauchemar. Quel que soit l’endroit du monde où il se trouve, on frappe à la porte. C’est un soldat. Il regarde un bout de papier. Il lit son nom. Et lui dit qu’il faut y retourner. Et là Eddy Mitchell devient fou. Il ne veut pas. Non, c’est non. Il se réveille. C’est un cauchemar. Son cauchemar.
Il lui a fallu vingt-cinq ans pour, un jour dans un coin de studio, mettre enfin des mots sur la mélodie qui a su porter ses souvenirs. La chanson s’appelle
C’est toujours le même cauchemar. Quel que soit l’endroit du monde où il se trouve, on frappe à la porte. C’est un soldat. Il regarde un bout de papier. Il lit son nom. Et lui dit qu’il faut y retourner. Et là Eddy Mitchell devient fou. Il ne veut pas. Non, c’est non. Il se réveille. C’est un cauchemar. Son cauchemar.
Il lui a fallu vingt-cinq ans pour, un jour dans un coin de studio, mettre enfin des mots sur la mélodie qui a su porter ses souvenirs. La chanson s’appelle
«Soixante, soixante-deux» :
Tous dans l'même bâteauJe préfère les naufrageurs
L'Algérie c'est beau
Oui mais vue du Sacré Coeur
Soixante, soixante-deux
Quelque part ça m'fait peur… (La chanson complète à la fin, avec la vidéo…)
Oui, peur. L’Algérie, quand on a commencé à en parler, il savait à peine où c’était, lui le môme de Belleville qui habitait précisément boulevard d’Algérie, à la lisière des fortifs. Il était Chaussette Noire, lui. Banane et gomina. Twist à Saint-Tropez, bottes souples à bout carré et dactylo rock, s’il vous plaît.
Quand l’armée l’a rattrapé, elle s’est dit qu’elle faisait une bonne affaire. D’accord, il a mis le chambard le temps de ses classes à Montlhéry. Incapable d’apprendre à conduire, il a bousillé une Jeep et un camion. Il a menacé de faire un procès si sa femme le quittait pour cause de boule à zéro. Mais Eddy était une star. Une idée loufoque a alors germé dans la tête d’un fonctionnaire du ministère: puisque Claude Moine, dit Eddy Mitchell, devait – comme tout le monde – partir en Algérie, autant que cela serve à quelque chose. Il irait donc chanter pour la troupe, histoire de remonter un moral passablement déclinant après huit ans de guerre. Pas de discussion: c’est ça ou la taule.
Alors va pour le théâtre aux armées…
Mais, attention ! M. Eddy n’aime pas qu’on lui force la main et il a une franche détestation de tout ce qui est militaire. Il voulait bien chanter mais à ses conditions: pas question de se couper les cheveux. Ni de manger à la table des officiers. Ni de dormir à la caserne. Ni de se priver de la présence de sa femme. Pour le reste, s’ils voulaient qu’il chante, eh bien il chanterait. L’armée s’est même offert une semaine de Chaussettes Noires à l’Olympia avant le départ. Et a encaissé la recette pour ses bonnes œuvres.
L’Algérie, Eddy Mitchell connaissait déjà. Il y avait fait une tournée en 1961. Alger, Tiaret… Pas que de bons souvenirs. A Oran, le gala au théâtre de verdure avait dû être annulé : l’OAS menaçait de mettre une bombe ; il n’était pas question qu’Arabes et «Européens» puissent assister ensemble au spectacle. Dans une rue, un jour, il avait vu de jeunes «Européens» courser de jeunes Arabes avec une lanière de cuir et une pierre au bout. La veille, un pied-noir aurait été égorgé. En représailles, deux Arabes auraient été balancés dans le port.
]Eddy a commencé à comprendre pourquoi son copain Michel, revenu de vingt-huit mois de service militaire, se jetait par terre chaque fois qu’un pot d’échappement faisait trop de bruit. Maintenant, ça le faisait moins rigoler.
Il savait bien qu’en Algérie les gens ne s’embrassaient pas sur la bouche. Mais il pensait que ça se passait loin. Dans le bled. Alors il y est retourné chanter. En emmerdant les officiers le plus possible. Il les traitait de cons, leur disait que s’ils n’étaient pas contents il ne chanterait pas. Il jouait au sale gosse. Comme pour se venger des récits hargneux de ceux qui, à leur vingtième bière, se vantaient d’avoir massacré les Arabes qui leur étaient tombés entre les mains. Il tentait de chasser les vilaines images. Il se disait que, comme tous les mômes, il ne comprenait rien. Qu’il y avait des gens formidables des deux côtés et qu’ils devraient arriver à s’entendre.
Il a chanté donc. Et puis il est rentré en France. Et son cauchemar a commencé. Soixante, soixante-deux, y avait pas que des rockers…
Invité- Invité
Re: "Soixante-soixante-deux" Eddy Mitchell
https://youtu.be/xVNFPYODKRE?list=PL2Mw2kUxR7rKcUvl4cJkoB1oAmKk9cJa6
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