Qui empêchera Bolloré de faire d’Europe 1 une radio d’extrême droite ?
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Qui empêchera Bolloré de faire d’Europe 1 une radio d’extrême droite ?
À Europe 1, l’emprise croissante de Vincent Bolloré inquiète. Et la mécanique politique enclenchée semble impossible à stopper. Au grand désarroi des salariés.
Mercredi 30 juin 2021. Les salariés de la radio bleue se souviendront longtemps de cette date. Une croix rouge sur leurs carrières. Ce moment où un richissime industriel a décidé de faire joujou avec Europe 1. Dans un seul but : dégrader le débat public, ternir la démocratie, maltraiter le journalisme. Dans le plus grand des calmes.
Qu’Europe 1 n’aille pas bien, rien de nouveau sous le soleil. Des années que la radio s’enfonce dans les classements d’audience. Des années que, à chaque rentrée, on chamboule tout. Comme s’il suffisait de relancer les dés, comme ça, pour voir, pour que tout s’arrange. « Des années de management autoritaire », voilà comment les journalistes résument la chose. Il suffit de lire cet article de Libération pour apprécier toute l’humanité et la bienveillance (ironie) qui a lieu dans cette rédaction.
Mais cette fois-ci, il n’est pas question de maltraitance. Il est question de ligne éditoriale. Ce qui a rassemblé les salariés ce mercredi, devant leur radio, c’est Bolloré. Ce même jour, le patron de Vivendi venait de profiter d’une Assemblée générale de Lagardère – le groupe qui possède Europe 1, entre autres. Lors de cette AG, le groupe devenait une société anonyme « normale », une société où, donc, les actionnaires allaient peser de leur poids réel. Et devinez qui est le principal actionnaire de Lagardère ? Bolloré, avec 25% des parts… La voie est libre [1].
« Tous les combats peuvent être remportés »
L’ambiance est des plus pesantes. Les salariés d’Europe 1 sont las. Fatigués de devoir sans cesse se battre contre leur propre radio, juste pour exercer leur métier dans de bonnes conditions. Les voilà maintenant pris à partie par un milliardaire qui, s’il avance toujours dans l’ombre, ne cache rien de ses intentions. Comme l’a dit l’économiste Julia Cagé, présente au rassemblement – tout comme Pascale Clark ou Anne Sinclair – pour soutenir les salariés : « Bolloré avance caché. Il ne fait pas d’OPA sur les médias. Il faut demander à l’État, jusqu’où vous allez laisser Bolloré ? »
La question vaut son pesant de cacahuètes. Même Patrick Cohen passerait pour un rouge face à Bolloré : « Ce qui nous rassemble, c’est une éthique, un rapport à la recherche de la vérité. Ce n’est pas une question de droite ou de gauche. Le modèle qui gagne, c’est celui qui cherche à produire des controverses. À dresser une partie de la France contre l’autre. C’est ça que nous refusons. » Il y avait déjà eu des alertes, comme la nomination de Louis de Raguenel, en provenance de Valeurs actuelles, au poste de chef du service politique adjoint en septembre 2020.
Il pleut sur Paris. Julia Cagé aura beau rassurer le rassemblement, leur rappeler leurs droits, leur lancer que « tous les combats peuvent être remportés », ou encore interroger : « Dans quelle mesure un seul homme, aussi riche soit-il, peut-il être plus fort que l’ensemble des rédactions d’Europe 1, Canal+, des journaux de Prisma Media, et de tous les auditeurs, téléspectateurs et lecteurs de ces médias ? »
Pourtant, et malgré les innombrables soutiens des autres rédactions, de la société civile, ça sent la défaite. Comment croire qu’Europe 1 ne va pas connaître le même sort qu’iTélé en 2016 ? Une cinquantaine de salariés envisagent de quitter le Titanic. C’est tout à leur honneur. Ce qu’il se passe à Europe 1 dépasse de loin un simple problème interne à la radio. Ce n’est pas qu’une question d’indépendance, pas qu’un débat sur la neutralité d’une rédaction. C’est un problème politique. Va-t-on laisser prospérer l’extrême droite où bon lui semble ? Et rien ni personne – si ce ne sont ces courageux salariés – ne bougera le petit doigt face à cela. Le fond de l’air, ça doit être le fond de l’air...
Loïc Le Clerc
Mercredi 30 juin 2021. Les salariés de la radio bleue se souviendront longtemps de cette date. Une croix rouge sur leurs carrières. Ce moment où un richissime industriel a décidé de faire joujou avec Europe 1. Dans un seul but : dégrader le débat public, ternir la démocratie, maltraiter le journalisme. Dans le plus grand des calmes.
Qu’Europe 1 n’aille pas bien, rien de nouveau sous le soleil. Des années que la radio s’enfonce dans les classements d’audience. Des années que, à chaque rentrée, on chamboule tout. Comme s’il suffisait de relancer les dés, comme ça, pour voir, pour que tout s’arrange. « Des années de management autoritaire », voilà comment les journalistes résument la chose. Il suffit de lire cet article de Libération pour apprécier toute l’humanité et la bienveillance (ironie) qui a lieu dans cette rédaction.
Mais cette fois-ci, il n’est pas question de maltraitance. Il est question de ligne éditoriale. Ce qui a rassemblé les salariés ce mercredi, devant leur radio, c’est Bolloré. Ce même jour, le patron de Vivendi venait de profiter d’une Assemblée générale de Lagardère – le groupe qui possède Europe 1, entre autres. Lors de cette AG, le groupe devenait une société anonyme « normale », une société où, donc, les actionnaires allaient peser de leur poids réel. Et devinez qui est le principal actionnaire de Lagardère ? Bolloré, avec 25% des parts… La voie est libre [1].
« Tous les combats peuvent être remportés »
L’ambiance est des plus pesantes. Les salariés d’Europe 1 sont las. Fatigués de devoir sans cesse se battre contre leur propre radio, juste pour exercer leur métier dans de bonnes conditions. Les voilà maintenant pris à partie par un milliardaire qui, s’il avance toujours dans l’ombre, ne cache rien de ses intentions. Comme l’a dit l’économiste Julia Cagé, présente au rassemblement – tout comme Pascale Clark ou Anne Sinclair – pour soutenir les salariés : « Bolloré avance caché. Il ne fait pas d’OPA sur les médias. Il faut demander à l’État, jusqu’où vous allez laisser Bolloré ? »
La question vaut son pesant de cacahuètes. Même Patrick Cohen passerait pour un rouge face à Bolloré : « Ce qui nous rassemble, c’est une éthique, un rapport à la recherche de la vérité. Ce n’est pas une question de droite ou de gauche. Le modèle qui gagne, c’est celui qui cherche à produire des controverses. À dresser une partie de la France contre l’autre. C’est ça que nous refusons. » Il y avait déjà eu des alertes, comme la nomination de Louis de Raguenel, en provenance de Valeurs actuelles, au poste de chef du service politique adjoint en septembre 2020.
Il pleut sur Paris. Julia Cagé aura beau rassurer le rassemblement, leur rappeler leurs droits, leur lancer que « tous les combats peuvent être remportés », ou encore interroger : « Dans quelle mesure un seul homme, aussi riche soit-il, peut-il être plus fort que l’ensemble des rédactions d’Europe 1, Canal+, des journaux de Prisma Media, et de tous les auditeurs, téléspectateurs et lecteurs de ces médias ? »
Pourtant, et malgré les innombrables soutiens des autres rédactions, de la société civile, ça sent la défaite. Comment croire qu’Europe 1 ne va pas connaître le même sort qu’iTélé en 2016 ? Une cinquantaine de salariés envisagent de quitter le Titanic. C’est tout à leur honneur. Ce qu’il se passe à Europe 1 dépasse de loin un simple problème interne à la radio. Ce n’est pas qu’une question d’indépendance, pas qu’un débat sur la neutralité d’une rédaction. C’est un problème politique. Va-t-on laisser prospérer l’extrême droite où bon lui semble ? Et rien ni personne – si ce ne sont ces courageux salariés – ne bougera le petit doigt face à cela. Le fond de l’air, ça doit être le fond de l’air...
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