Le 17 septembre 1981, Robert Badinter, garde des Sceaux, défendait brillamment l’abolition de la peine de mort à l’Assemblée.
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Le 17 septembre 1981, Robert Badinter, garde des Sceaux, défendait brillamment l’abolition de la peine de mort à l’Assemblée.
Le 17 septembre 1981, Robert Badinter, garde des Sceaux, défendait brillamment l’abolition de la peine de mort à l’Assemblée.
L’aboutissement de deux siècles d’un combat toujours actuel.
« J’ai l’honneur, au nom du gouvernement de la République, de demander à l’Assemblée nationale l’abolition de la peine de mort en France. » Il y a quarante ans, le 17 septembre 1981, à 15 h 30, Robert Badinter entame devant les députés la défense enflammée d’un texte historique : la loi n° 81-908 mettant fin à la peine capitale.
L’avocat de 53 ans, nommé garde des Sceaux par François Mitterrand trois mois plus tôt, a fait sienne la cause de l’abolition depuis le début des années 1970 et l’affaire Buffet-Bontems. Auteurs d’une prise d’otages sanglante à la prison de Clairvaux, ces deux détenus sont condamnés à mort en juin 1972. Roger Bontems, défendu par Badinter, n’était que le complice de Claude Buffet, et n’avait pas porté les coups de couteau mortels. Qu’à cela ne tienne : la cour d’assises de Troyes envoie les deux à la guillotine. Le président Pompidou refuse d’exercer son droit de grâce et, le 28 novembre 1972, ils sont exécutés, à l’aube, à la prison de la Santé.
« Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine »
« Il n’y a pas de révision possible, pas de grâce possible, pas de libération possible, pour le décapité. Je ne pouvais plus rien pour Bontems. C’était la vérité nue, la seule de cette nuit », écrit l’avocat dans l’Exécution (1973). L’affaire est un déclic et le fait passer « de la conviction intellectuelle à la passion militante » contre la peine de mort. Il décide alors de défendre tous ceux qui, risquant un tel châtiment, le solliciteraient. Ce fut le cas de Patrick Henry. Nous sommes au début de l’année 1976, et « la France a peur », proclame Roger Gicquel, à l’ouverture du JT de TF1. Le corps du petit Philippe Bertrand, 7 ans, vient d’être découvert dans la chambre de son ravisseur, Patrick Henry, qui espérait soutirer une rançon à ses parents. « Oui, la France a peur, poursuit Gicquel. Et c’est un sentiment qu’il faut que nous combattions. Parce qu’on voit qu’il débouche sur des envies folles de justice expéditive, de vengeance immédiate et directe. » Il n’a pas tort. Et il faudra tout le talent de Robert Badinter pour transformer le procès de Patrick Henry en procès de la peine de mort. En transe lors de sa plaidoirie, l’avocat interpelle directement les jurés : « Un jour, on abolira la peine de mort, et vous resterez seul avec votre verdict, pour toujours. Vos enfants sauront que vous avez condamné à mort un homme de 23 ans. Et vous verrez leur regard… » L’accusé échappa à la peine capitale. Mais il restait à bouter hors de notre droit cette sanction ultime.
À l’Assemblée, certains ont pris à bras-le-corps ce combat. Saisie par les groupes PCF et PS, et quelques députés de droite, la commission des Lois rédige un rapport en faveur de l’abolition, présenté par Philippe Séguin. Mais l’exécutif bloque. C’est l’élection de mai 1981 qui va changer la donne. En mars, lors de l’émission Cartes sur table, le candidat Mitterrand surprend, en affirmant clairement : « Dans ma conscience, je suis contre la peine de mort. Et je n’ai pas besoin de lire les sondages qui disent le contraire. » Robert Badinter raconte avoir placé, la veille de l’émission, en haut de la pile des notes préparées à l’intention du candidat, une série de citations des défenseurs de l’abolition. Du premier débat de 1791 à celui, resté fameux, de 1908, opposant Jaurès à Barrès, il y avait de quoi nourrir un concours d’éloquence. « Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine ; partout où la peine de mort est rare, la civilisation règne », résume Victor Hugo devant l’Assemblée constituante, le 15 septembre 1848, avant de réclamer son abolition « pure, simple et définitive ». Celle-là même que défend Robert Badinter en 1981, refusant tout amendement à son texte, ou toute peine de substitution.
Le ministre, ce 17 septembre, plaide comme l’avocat qu’il n’a jamais cessé d’être. Souligne le retard de la France, « dernier pays en Europe occidentale à ne pas avoir aboli ». Balaye l’idée d’un effet dissuasif de la sanction. « Il n’a jamais été établi une corrélation quelconque entre la présence ou l’absence de la peine de mort dans une législation pénale et la courbe de la criminalité sanglante », rappelle-t-il, évoquant un choix d’abord « politique et moral ». Un choix dicté par une double conviction : « Aussi terribles, aussi odieux que soient leurs actes, il n’est point d’hommes en cette terre dont la culpabilité soit totale et dont il faille pour toujours désespérer totalement. Aussi prudente que soit la justice, (…) elle demeure humaine, donc faillible », argumente le garde des Sceaux, avant de conclure, confiant : « Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. »
Un « système carcéral français à revoir »
Le 18 septembre, la loi était votée par 363 voix contre 117. Le Sénat suit quelques jours plus tard et le texte est promulgué le 9 octobre. La France est alors le 35e État à faire ce choix. « Ce n’était pas une performance », a convenu mercredi Robert Badinter, lors d’un colloque à l’Assemblée, soulignant surtout que « le combat n’est pas terminé ». Dans le viseur de l’infatigable militant de 93 ans, la bataille pour l’abolition universelle, ces États « très puissants ou fanatisés » (Chine, Iran, Égypte, Arabie saoudite…) qui continuent de pratiquer la peine capitale, mais aussi un « système carcéral français à revoir ». « À l’intérieur comme à l’extérieur, il nous faut encore convaincre », a assuré Robert Badinter, dans une allusion aux 50 % de Français qui seraient favorables au rétablissement de la peine de mort (Ipsos, août 2021). Alors que le procès des attentats du 13 Novembre vient de s’ouvrir, il prévient : « Il est hors de question de lutter contre les terroristes avec les armes des terroristes. »
Alexandre Fache
L’aboutissement de deux siècles d’un combat toujours actuel.
« J’ai l’honneur, au nom du gouvernement de la République, de demander à l’Assemblée nationale l’abolition de la peine de mort en France. » Il y a quarante ans, le 17 septembre 1981, à 15 h 30, Robert Badinter entame devant les députés la défense enflammée d’un texte historique : la loi n° 81-908 mettant fin à la peine capitale.
L’avocat de 53 ans, nommé garde des Sceaux par François Mitterrand trois mois plus tôt, a fait sienne la cause de l’abolition depuis le début des années 1970 et l’affaire Buffet-Bontems. Auteurs d’une prise d’otages sanglante à la prison de Clairvaux, ces deux détenus sont condamnés à mort en juin 1972. Roger Bontems, défendu par Badinter, n’était que le complice de Claude Buffet, et n’avait pas porté les coups de couteau mortels. Qu’à cela ne tienne : la cour d’assises de Troyes envoie les deux à la guillotine. Le président Pompidou refuse d’exercer son droit de grâce et, le 28 novembre 1972, ils sont exécutés, à l’aube, à la prison de la Santé.
« Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine »
« Il n’y a pas de révision possible, pas de grâce possible, pas de libération possible, pour le décapité. Je ne pouvais plus rien pour Bontems. C’était la vérité nue, la seule de cette nuit », écrit l’avocat dans l’Exécution (1973). L’affaire est un déclic et le fait passer « de la conviction intellectuelle à la passion militante » contre la peine de mort. Il décide alors de défendre tous ceux qui, risquant un tel châtiment, le solliciteraient. Ce fut le cas de Patrick Henry. Nous sommes au début de l’année 1976, et « la France a peur », proclame Roger Gicquel, à l’ouverture du JT de TF1. Le corps du petit Philippe Bertrand, 7 ans, vient d’être découvert dans la chambre de son ravisseur, Patrick Henry, qui espérait soutirer une rançon à ses parents. « Oui, la France a peur, poursuit Gicquel. Et c’est un sentiment qu’il faut que nous combattions. Parce qu’on voit qu’il débouche sur des envies folles de justice expéditive, de vengeance immédiate et directe. » Il n’a pas tort. Et il faudra tout le talent de Robert Badinter pour transformer le procès de Patrick Henry en procès de la peine de mort. En transe lors de sa plaidoirie, l’avocat interpelle directement les jurés : « Un jour, on abolira la peine de mort, et vous resterez seul avec votre verdict, pour toujours. Vos enfants sauront que vous avez condamné à mort un homme de 23 ans. Et vous verrez leur regard… » L’accusé échappa à la peine capitale. Mais il restait à bouter hors de notre droit cette sanction ultime.
À l’Assemblée, certains ont pris à bras-le-corps ce combat. Saisie par les groupes PCF et PS, et quelques députés de droite, la commission des Lois rédige un rapport en faveur de l’abolition, présenté par Philippe Séguin. Mais l’exécutif bloque. C’est l’élection de mai 1981 qui va changer la donne. En mars, lors de l’émission Cartes sur table, le candidat Mitterrand surprend, en affirmant clairement : « Dans ma conscience, je suis contre la peine de mort. Et je n’ai pas besoin de lire les sondages qui disent le contraire. » Robert Badinter raconte avoir placé, la veille de l’émission, en haut de la pile des notes préparées à l’intention du candidat, une série de citations des défenseurs de l’abolition. Du premier débat de 1791 à celui, resté fameux, de 1908, opposant Jaurès à Barrès, il y avait de quoi nourrir un concours d’éloquence. « Partout où la peine de mort est prodiguée, la barbarie domine ; partout où la peine de mort est rare, la civilisation règne », résume Victor Hugo devant l’Assemblée constituante, le 15 septembre 1848, avant de réclamer son abolition « pure, simple et définitive ». Celle-là même que défend Robert Badinter en 1981, refusant tout amendement à son texte, ou toute peine de substitution.
Le ministre, ce 17 septembre, plaide comme l’avocat qu’il n’a jamais cessé d’être. Souligne le retard de la France, « dernier pays en Europe occidentale à ne pas avoir aboli ». Balaye l’idée d’un effet dissuasif de la sanction. « Il n’a jamais été établi une corrélation quelconque entre la présence ou l’absence de la peine de mort dans une législation pénale et la courbe de la criminalité sanglante », rappelle-t-il, évoquant un choix d’abord « politique et moral ». Un choix dicté par une double conviction : « Aussi terribles, aussi odieux que soient leurs actes, il n’est point d’hommes en cette terre dont la culpabilité soit totale et dont il faille pour toujours désespérer totalement. Aussi prudente que soit la justice, (…) elle demeure humaine, donc faillible », argumente le garde des Sceaux, avant de conclure, confiant : « Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, d’exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. »
Un « système carcéral français à revoir »
Le 18 septembre, la loi était votée par 363 voix contre 117. Le Sénat suit quelques jours plus tard et le texte est promulgué le 9 octobre. La France est alors le 35e État à faire ce choix. « Ce n’était pas une performance », a convenu mercredi Robert Badinter, lors d’un colloque à l’Assemblée, soulignant surtout que « le combat n’est pas terminé ». Dans le viseur de l’infatigable militant de 93 ans, la bataille pour l’abolition universelle, ces États « très puissants ou fanatisés » (Chine, Iran, Égypte, Arabie saoudite…) qui continuent de pratiquer la peine capitale, mais aussi un « système carcéral français à revoir ». « À l’intérieur comme à l’extérieur, il nous faut encore convaincre », a assuré Robert Badinter, dans une allusion aux 50 % de Français qui seraient favorables au rétablissement de la peine de mort (Ipsos, août 2021). Alors que le procès des attentats du 13 Novembre vient de s’ouvrir, il prévient : « Il est hors de question de lutter contre les terroristes avec les armes des terroristes. »
Alexandre Fache
Vladimir de Volog- Vénérable
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Date d'inscription : 22/01/2018
Localisation : Nouvelle Aquitaine
Re: Le 17 septembre 1981, Robert Badinter, garde des Sceaux, défendait brillamment l’abolition de la peine de mort à l’Assemblée.
No comment ????
Vladimir de Volog- Vénérable
- Messages : 32760
Date d'inscription : 22/01/2018
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