La situation au centre du Mali
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La situation au centre du Mali
La situation au centre du Mali.
Pour la région du centre de Mali, c’est-à-dire les zones de Mopti et de Ségou, la rébellion est menée par la katiba Macina dirigée par Hamadoun Koufa. Apparue en 2015, sous le nom de Front de libération du Macina (FLM), elle a fait allégeance à Ansar Dine. Koufa participera à la création du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM).
Cette crise est avant tout une crise sociale, bien qu’elle soit en générale présentée dans la presse généraliste comme une lutte ethnique entre les Peuls accusés d’être en collision avec les djihadistes et les autres communautés notamment les Dogons. L’amalgame entre Peul et islamiste est une idée largement partagée dans les pays sahéliens, elle est cependant fausse. L’origine de cet amalgame peut être expliquée par des raisons historiques. A l’époque précoloniale, suite à leur sédentarisation, les Peuls fondent des royaumes basés sur l’islam dans le Fouta-Djalon en Guinée, au Fouta-Toro au Nord du Sénégal, dans la partie nord du Nigeria avec le califat de Sokoto et dans les années 1820 l’empire du Macina. Ces Etats théocratiques serviront de point d’appui pour étendre l’islam aux autres peuples animistes. Ainsi, on peut dire qu’historiquement les Peuls ont participé à la progression de l’islam sur les terres sahélo-sahariennes grâce au djihad. Le fait aussi que Hamadoun Koufa lui-même d’origine peule recrute parmi les membres de sa communauté accrédite la thèse d’une association entre Peul et islamisme.
Dans les faits, les choses sont bien plus compliquées. La lutte djihadiste est avant tout une lutte contre les élites à l’intérieur même de la communauté peule. A la tête de cette communauté très hiérarchisée on trouve le jooro avec des attributions régaliennes et de représentation du village ou parfois de groupes de villages. Le jooro joue un rôle dans l’ordonnancement des surfaces entre celles dédiées à l’habitat, à la culture et au pâturage. Il fixe aussi le prix de la contribution pour que les bêtes puissent paître sur les terres. Si ce n’est pas une règle, généralement cette fonction est assurée de père en fils ainé et doit recueillir l’assentiment des notables du village ou du groupement de villages. La contribution financière demandée initialement était le symbole de la reconnaissance du titre de propriété. Au fil du temps, elle devient de plus en plus élevée. Elle est considérée comme excessive par les pasteurs, voire même comme une sorte de racket, et est l’objet de conflits qui peuvent dégénérer en affrontements violents.
Au plan religieux, les marabouts ont une grande importance dans la vie des peuls. Ils sont au centre d’un réseau de connaissances leur permettant de jouer le rôle de courtier pas seulement entre le réel et le divin mais aussi socialement. Ils bénéficient pour cela des dons versés par les solliciteurs en échange d’intercessions.
Au bas de l’échelle sociale, les descendants d’esclaves, les Riimaybe [9], en opposition à ceux qui sont nés libres, les Rimbe. Si l’esclavage au Mali a été aboli en 1905 par la puissance coloniale, cette question reste cependant d’actualité dans tout le pays. Les Riimaybe restent une population ostracisée et marginalisée quel que soit leur niveau de richesse ou d’étude. Ils représentent un vivier de recrutement pour les djihadistes.
Amadou Koufa est un prédicateur proche au départ de la secte Dawa originaire du Pakistan. C’est là qu’il fera connaissance et se liera d’amitié avec le dirigeant du GSIM Iyad Ag Ghali. La vie de Koufa est dédiée au prosélytisme mais aussi à pourfendre les dérives qui règnent à ses yeux dans l’islam traditionnel des pays du Sahel et dont les grandes lignées des marabouts seraient les coupables.
Les prêches d’Amadou Koufa illustrent bien les raisons qui poussent des jeunes peuls à intégrer la katiba. L’essentiel de son argumentation est de se fonder sur les jugements que le prophète aurait proférés en son temps en les transposant à notre époque. Ainsi, il peut en déduire que certaines situations actuelles sont contraires à l’islam. En forçant un peu le trait, il peut d’énoncer des exigences qui sont particulièrement importantes pour les bergers pauvres peuls, par exemple l’interdiction d’un paiement en contrepartie de l’accès aux champs pour le pâturage des bêtes [10].
Ses critiques portent sur les riches, les voleurs, la mendicité des talibés, l’absence de promotion sociale ; en parallèle il glorifie le métier de berger pour gagner la sympathie des pauvres.
Ses critiques sont tout aussi véhémentes contre les marabouts vénaux qui, selon lui, trahissent l’islam en extorquant de l’argent au peuple et en l’exploitant.
La vision dénonciatrice de Koufa s’articule autour d’une double opposition : d’une part, contre l’ordre établi du monde religieux, au profit d’un islam pur et fidèle aux enseignements du prophète, et, de l’autre, contre les inégalités sociales et le monde corrompu des riches. Ces discours trouvent un grand écho parmi la population déclassée de la communauté peule mais aussi bien au-delà.
Si l’ethnicisation du conflit cache donc sa dimension sociale, elle est également une source grave de violence à l’encontre des Peuls. En effet, les organisations de défense des droits humains ont documenté de nombreux cas où des civils ont été emprisonnés, battus et parfois exécutés par les forces armées maliennes du seul fait de leur appartenance ethnique. De telles pratiques évidemment engendrent une radicalisation et certains n’hésitent pas à s’enrôler dans la katiba de Macina y voyant un moyen de vengeance ou simplement de survie.
Amadou Koufa en est bien conscient et joue là-dessus quand il déclare :
« Nous n’avons pas peur des soldats maliens et étrangers ; ils ne nous connaissent pas et ne peuvent pas nous identifier avec leurs satellites et consorts ; alors, c’est vous (les villageois) qui êtes les « yeux des Occidentaux ; sans vous, ils ne peuvent rien contre nous […] Ce que l’on vous demande lorsque l’on rentre chez nous, c’est simplement de nous dire : “soyez les bienvenus” […] Nous demandons aux maires de nos communes, aux chefs de village, aux députés, aux imams de revenir et de se taire ; ne nous dénoncez pas, ne respectez pas la loi du diable (la Constitution), ne respectez que la loi de Dieu […] Si vous nous dénoncez, on vous tuera ou vous nous tuerez ! Nous allons, nous djihadistes, revenir avec nos combattants dans les villages, nous vous demanderons de ne pas vous interposer entre nous moudjahidin et les militaires ». [11]
La stratégie est claire, il s’agit de s’intégrer parmi les populations dans les villages pour mieux combattre les forces armées du Mali. En l’absence d’identification des combattants, les militaires maliens sont soit contraints à l’abandon soit, et souvent c’est le cas, à s’en prendre aux jeunes Peuls. Ces derniers n’ayant d’autres choix² que de renforcer le camp adverse.
La question peule n’est pas spécifique au Mali, et Amadou Koufa appelle à une révolte des populations peules dans les pays où ils vivent : au Sénégal, au Mali, au Niger, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Nigeria, au Ghana et au Cameroun.
Pour lutter contre les combattants islamistes, des milices d’auto-défense se sont constituées, souvent sur la base des Dozo, les chasseurs traditionnels. Ces milices qui se créent sur des bases communautaires s’attaquent à d’autres villages réputés favorables aux djihadistes. C’est ainsi que des massacres ont lieu comme ceux perpétrés dans les villages de Ogossagou et Welingara où, parmi les 165 victimes, figurent des enfants et des vieillards.
Ces crimes sont attribués à la milice Dan Nan Ambassagou censée protéger les Dogons contre les combattants islamistes. En réalité, sa principale activité est de terroriser les populations peules. [12] Des pratiques s’insèrent davantage dans une dynamique de nettoyage ethnique que dans une défense des populations dogons. Ces agressions bénéficient à tout le moins du laxisme des autorités, si ce n’est d’une complicité, vérifiée sur le terrain, entre cette milice et les troupes de l’armée malienne.
Pour la région du centre de Mali, c’est-à-dire les zones de Mopti et de Ségou, la rébellion est menée par la katiba Macina dirigée par Hamadoun Koufa. Apparue en 2015, sous le nom de Front de libération du Macina (FLM), elle a fait allégeance à Ansar Dine. Koufa participera à la création du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM).
Cette crise est avant tout une crise sociale, bien qu’elle soit en générale présentée dans la presse généraliste comme une lutte ethnique entre les Peuls accusés d’être en collision avec les djihadistes et les autres communautés notamment les Dogons. L’amalgame entre Peul et islamiste est une idée largement partagée dans les pays sahéliens, elle est cependant fausse. L’origine de cet amalgame peut être expliquée par des raisons historiques. A l’époque précoloniale, suite à leur sédentarisation, les Peuls fondent des royaumes basés sur l’islam dans le Fouta-Djalon en Guinée, au Fouta-Toro au Nord du Sénégal, dans la partie nord du Nigeria avec le califat de Sokoto et dans les années 1820 l’empire du Macina. Ces Etats théocratiques serviront de point d’appui pour étendre l’islam aux autres peuples animistes. Ainsi, on peut dire qu’historiquement les Peuls ont participé à la progression de l’islam sur les terres sahélo-sahariennes grâce au djihad. Le fait aussi que Hamadoun Koufa lui-même d’origine peule recrute parmi les membres de sa communauté accrédite la thèse d’une association entre Peul et islamisme.
Dans les faits, les choses sont bien plus compliquées. La lutte djihadiste est avant tout une lutte contre les élites à l’intérieur même de la communauté peule. A la tête de cette communauté très hiérarchisée on trouve le jooro avec des attributions régaliennes et de représentation du village ou parfois de groupes de villages. Le jooro joue un rôle dans l’ordonnancement des surfaces entre celles dédiées à l’habitat, à la culture et au pâturage. Il fixe aussi le prix de la contribution pour que les bêtes puissent paître sur les terres. Si ce n’est pas une règle, généralement cette fonction est assurée de père en fils ainé et doit recueillir l’assentiment des notables du village ou du groupement de villages. La contribution financière demandée initialement était le symbole de la reconnaissance du titre de propriété. Au fil du temps, elle devient de plus en plus élevée. Elle est considérée comme excessive par les pasteurs, voire même comme une sorte de racket, et est l’objet de conflits qui peuvent dégénérer en affrontements violents.
Au plan religieux, les marabouts ont une grande importance dans la vie des peuls. Ils sont au centre d’un réseau de connaissances leur permettant de jouer le rôle de courtier pas seulement entre le réel et le divin mais aussi socialement. Ils bénéficient pour cela des dons versés par les solliciteurs en échange d’intercessions.
Au bas de l’échelle sociale, les descendants d’esclaves, les Riimaybe [9], en opposition à ceux qui sont nés libres, les Rimbe. Si l’esclavage au Mali a été aboli en 1905 par la puissance coloniale, cette question reste cependant d’actualité dans tout le pays. Les Riimaybe restent une population ostracisée et marginalisée quel que soit leur niveau de richesse ou d’étude. Ils représentent un vivier de recrutement pour les djihadistes.
Amadou Koufa est un prédicateur proche au départ de la secte Dawa originaire du Pakistan. C’est là qu’il fera connaissance et se liera d’amitié avec le dirigeant du GSIM Iyad Ag Ghali. La vie de Koufa est dédiée au prosélytisme mais aussi à pourfendre les dérives qui règnent à ses yeux dans l’islam traditionnel des pays du Sahel et dont les grandes lignées des marabouts seraient les coupables.
Les prêches d’Amadou Koufa illustrent bien les raisons qui poussent des jeunes peuls à intégrer la katiba. L’essentiel de son argumentation est de se fonder sur les jugements que le prophète aurait proférés en son temps en les transposant à notre époque. Ainsi, il peut en déduire que certaines situations actuelles sont contraires à l’islam. En forçant un peu le trait, il peut d’énoncer des exigences qui sont particulièrement importantes pour les bergers pauvres peuls, par exemple l’interdiction d’un paiement en contrepartie de l’accès aux champs pour le pâturage des bêtes [10].
Ses critiques portent sur les riches, les voleurs, la mendicité des talibés, l’absence de promotion sociale ; en parallèle il glorifie le métier de berger pour gagner la sympathie des pauvres.
Ses critiques sont tout aussi véhémentes contre les marabouts vénaux qui, selon lui, trahissent l’islam en extorquant de l’argent au peuple et en l’exploitant.
La vision dénonciatrice de Koufa s’articule autour d’une double opposition : d’une part, contre l’ordre établi du monde religieux, au profit d’un islam pur et fidèle aux enseignements du prophète, et, de l’autre, contre les inégalités sociales et le monde corrompu des riches. Ces discours trouvent un grand écho parmi la population déclassée de la communauté peule mais aussi bien au-delà.
Si l’ethnicisation du conflit cache donc sa dimension sociale, elle est également une source grave de violence à l’encontre des Peuls. En effet, les organisations de défense des droits humains ont documenté de nombreux cas où des civils ont été emprisonnés, battus et parfois exécutés par les forces armées maliennes du seul fait de leur appartenance ethnique. De telles pratiques évidemment engendrent une radicalisation et certains n’hésitent pas à s’enrôler dans la katiba de Macina y voyant un moyen de vengeance ou simplement de survie.
Amadou Koufa en est bien conscient et joue là-dessus quand il déclare :
« Nous n’avons pas peur des soldats maliens et étrangers ; ils ne nous connaissent pas et ne peuvent pas nous identifier avec leurs satellites et consorts ; alors, c’est vous (les villageois) qui êtes les « yeux des Occidentaux ; sans vous, ils ne peuvent rien contre nous […] Ce que l’on vous demande lorsque l’on rentre chez nous, c’est simplement de nous dire : “soyez les bienvenus” […] Nous demandons aux maires de nos communes, aux chefs de village, aux députés, aux imams de revenir et de se taire ; ne nous dénoncez pas, ne respectez pas la loi du diable (la Constitution), ne respectez que la loi de Dieu […] Si vous nous dénoncez, on vous tuera ou vous nous tuerez ! Nous allons, nous djihadistes, revenir avec nos combattants dans les villages, nous vous demanderons de ne pas vous interposer entre nous moudjahidin et les militaires ». [11]
La stratégie est claire, il s’agit de s’intégrer parmi les populations dans les villages pour mieux combattre les forces armées du Mali. En l’absence d’identification des combattants, les militaires maliens sont soit contraints à l’abandon soit, et souvent c’est le cas, à s’en prendre aux jeunes Peuls. Ces derniers n’ayant d’autres choix² que de renforcer le camp adverse.
La question peule n’est pas spécifique au Mali, et Amadou Koufa appelle à une révolte des populations peules dans les pays où ils vivent : au Sénégal, au Mali, au Niger, en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Nigeria, au Ghana et au Cameroun.
Pour lutter contre les combattants islamistes, des milices d’auto-défense se sont constituées, souvent sur la base des Dozo, les chasseurs traditionnels. Ces milices qui se créent sur des bases communautaires s’attaquent à d’autres villages réputés favorables aux djihadistes. C’est ainsi que des massacres ont lieu comme ceux perpétrés dans les villages de Ogossagou et Welingara où, parmi les 165 victimes, figurent des enfants et des vieillards.
Ces crimes sont attribués à la milice Dan Nan Ambassagou censée protéger les Dogons contre les combattants islamistes. En réalité, sa principale activité est de terroriser les populations peules. [12] Des pratiques s’insèrent davantage dans une dynamique de nettoyage ethnique que dans une défense des populations dogons. Ces agressions bénéficient à tout le moins du laxisme des autorités, si ce n’est d’une complicité, vérifiée sur le terrain, entre cette milice et les troupes de l’armée malienne.
Vladimir de Volog- Vénérable
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Date d'inscription : 22/01/2018
Localisation : Nouvelle Aquitaine
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