Crise des états postcoloniaux des pays sahéliens
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Crise des états postcoloniaux des pays sahéliens
Crise des états postcoloniaux des pays sahéliens
Les trois pays concernés par les attaques des islamistes – Mali, Burkina Faso et Niger – sont en proie à des crises sociales et politiques profondes. Si les réponses apportées par les gouvernements sont souvent similaires, les relations entre ces pays, les islamistes et la France diffèrent.
Les derniers soubresauts importants du Mali datent du printemps 2020. Des fortes mobilisations populaires dirigées par l’imam Dicko et les mouvements politiques d’opposition mettent en cause la politique d’Ibrahim Boubacar Keita, le président élu. Son incapacité à faire face aux attaques des groupes rebelles, les scandales de corruption qui ont émaillé ses mandats, la dégradation des conditions de vie poussent nombre de Maliens à descendre dans la rue. Le coup d’Etat d’Assimi Goïta a, d’une certaine manière, coupé l’herbe sous le pied des leaders de la mobilisation. Les putschistes ont mis en place un premier gouvernement, auquel a succédé un autre, ce que les observateurs ont appelé le coup d’Etat dans le coup d’Etat.
Les désaccords s’approfondissent entre les gouvernements français et malien. La France a condamné les deux coups d’Etat, sans pour autant stopper sa coopération avec les FAMA, les forces armés maliennes. La question du redéploiement des forces de Barkhane est aussi un sujet de tension. Les forces françaises veulent se concentrer sur la région des trois frontières, un terrain qui reste le fief des groupes djihadistes et s’avère certainement moins compliqué à gérer politiquement que le centre malien, avec sa forte dimension sociale, ou le nord du pays, reste véritable imbroglio de groupes armés.
Le gouvernement malien a critiqué cette décision, ce qui a conduit chacune des deux parties à des déclarations inhabituelles dans le cadre des relations diplomatiques. La volonté malienne affichée de faire appel aux mercenaires russes de la Société Wagner a évidemment envenimé le débat. Paris a considéré que leur présence était une ligne rouge. Depuis la diplomatie française s’est ravisée. Coté malien, il est illusoire de fonder des grands espoirs sur ces mercenaires. Leur comportement avec les populations locales risque d’empirer la situation comme on le voit en République Centrafricaine. Quant à leur efficacité contre les rebelles islamistes, le cas du Mozambique, où ils sont intervenus, permet d’émettre de sérieux doutes.
L’autre point d’achoppement entre les deux gouvernements est la question des négociations avec les combattants islamistes. Pour la France, il est hors de question de discuter avec des terroristes ; elle en fait une position de principe, laquelle, soit dit en passant, est vite abandonnée quand il s’agit de négocier la libération des otages français. L’état-major de l’armée française a bien du mal à appliquer sa doctrine de « contre-insurrection » que nous évoquions plus haut : c’est le pays hôte qui choisit la ligne politique à suivre dans le conflit. Partant d’une position ferme, le Quai d’Orsay est obligé de lâcher du lest, car les autorités maliennes ont entamé des négociations à plusieurs reprises notamment dans le centre du Mali pour libérer des villages encerclés par les djihadistes.
La junte militaire malienne voit son soutien populaire commencer à s’effriter. Objet de sanction de la part de la CEDEAO, l’organisation des pays d’Afrique de l’Ouest, sa marge de manœuvre, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, est limitée.
Au Burkina Faso, le pouvoir en place est fragilisé par son incapacité à répondre aux attaques djihadistes et à restaurer la sécurité sur l’ensemble du territoire. Des manifestations sont de plus en plus fréquentes et ne se limitent pas à Ouagadougou, la capitale. Le blocage du convoi militaire français en est une illustration. En l’absence de résultats tangibles, les forces françaises de Barkhane sont vues comme une armée d’occupation. Aux yeux de certains, elles sont même perçues comme complices des djihadistes.
L’évènement dramatique de l’attaque de la caserne d’Inata a provoqué l’émoi dans la société burkinabè. Cette caserne isolée au milieu d’un environnement dangereux à tel point que le ravitaillement ne se faisait que par hélicoptère, a été abandonnée et est devenu une cible facile pour les combattants islamistes. L’attaque a fait plus de 53 morts parmi les gendarmes. Si la démission du gouvernement a calmé temporairement la rue, elle a entamé sérieusement la crédibilité de Roch Kaboré, le président du Burkina Faso.
Récemment élu, Mohamed Bazoum, le nouveau président du Niger, a dû faire face à une tentative de coup d’Etat deux jours avant son investiture. Si ce putsch a été rapidement déjoué, cet évènement est révélateur de l’instabilité du pays. Le Niger est confronté à une double menace, celle des organisations GSIM et EIGS, et celle des groupes se réclamant de Boko Haram autour de la ville de Diffa dans la région sud-est du pays.
Mohamed Bazoum s’est posé en défenseur de la politique française face aux critiques. Il n’hésite pas à museler les organisations politiques de l’opposition et la société civile militante qui se sont prononcées pour le départ des troupes armées étrangères du pays. Cela concerne Barkhane, mais aussi la base militaire US de drones à Agadez. Ces restrictions de liberté se font sous couvert de lutte contre le terrorisme.
Les trois pays concernés par les attaques des islamistes – Mali, Burkina Faso et Niger – sont en proie à des crises sociales et politiques profondes. Si les réponses apportées par les gouvernements sont souvent similaires, les relations entre ces pays, les islamistes et la France diffèrent.
Les derniers soubresauts importants du Mali datent du printemps 2020. Des fortes mobilisations populaires dirigées par l’imam Dicko et les mouvements politiques d’opposition mettent en cause la politique d’Ibrahim Boubacar Keita, le président élu. Son incapacité à faire face aux attaques des groupes rebelles, les scandales de corruption qui ont émaillé ses mandats, la dégradation des conditions de vie poussent nombre de Maliens à descendre dans la rue. Le coup d’Etat d’Assimi Goïta a, d’une certaine manière, coupé l’herbe sous le pied des leaders de la mobilisation. Les putschistes ont mis en place un premier gouvernement, auquel a succédé un autre, ce que les observateurs ont appelé le coup d’Etat dans le coup d’Etat.
Les désaccords s’approfondissent entre les gouvernements français et malien. La France a condamné les deux coups d’Etat, sans pour autant stopper sa coopération avec les FAMA, les forces armés maliennes. La question du redéploiement des forces de Barkhane est aussi un sujet de tension. Les forces françaises veulent se concentrer sur la région des trois frontières, un terrain qui reste le fief des groupes djihadistes et s’avère certainement moins compliqué à gérer politiquement que le centre malien, avec sa forte dimension sociale, ou le nord du pays, reste véritable imbroglio de groupes armés.
Le gouvernement malien a critiqué cette décision, ce qui a conduit chacune des deux parties à des déclarations inhabituelles dans le cadre des relations diplomatiques. La volonté malienne affichée de faire appel aux mercenaires russes de la Société Wagner a évidemment envenimé le débat. Paris a considéré que leur présence était une ligne rouge. Depuis la diplomatie française s’est ravisée. Coté malien, il est illusoire de fonder des grands espoirs sur ces mercenaires. Leur comportement avec les populations locales risque d’empirer la situation comme on le voit en République Centrafricaine. Quant à leur efficacité contre les rebelles islamistes, le cas du Mozambique, où ils sont intervenus, permet d’émettre de sérieux doutes.
L’autre point d’achoppement entre les deux gouvernements est la question des négociations avec les combattants islamistes. Pour la France, il est hors de question de discuter avec des terroristes ; elle en fait une position de principe, laquelle, soit dit en passant, est vite abandonnée quand il s’agit de négocier la libération des otages français. L’état-major de l’armée française a bien du mal à appliquer sa doctrine de « contre-insurrection » que nous évoquions plus haut : c’est le pays hôte qui choisit la ligne politique à suivre dans le conflit. Partant d’une position ferme, le Quai d’Orsay est obligé de lâcher du lest, car les autorités maliennes ont entamé des négociations à plusieurs reprises notamment dans le centre du Mali pour libérer des villages encerclés par les djihadistes.
La junte militaire malienne voit son soutien populaire commencer à s’effriter. Objet de sanction de la part de la CEDEAO, l’organisation des pays d’Afrique de l’Ouest, sa marge de manœuvre, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, est limitée.
Au Burkina Faso, le pouvoir en place est fragilisé par son incapacité à répondre aux attaques djihadistes et à restaurer la sécurité sur l’ensemble du territoire. Des manifestations sont de plus en plus fréquentes et ne se limitent pas à Ouagadougou, la capitale. Le blocage du convoi militaire français en est une illustration. En l’absence de résultats tangibles, les forces françaises de Barkhane sont vues comme une armée d’occupation. Aux yeux de certains, elles sont même perçues comme complices des djihadistes.
L’évènement dramatique de l’attaque de la caserne d’Inata a provoqué l’émoi dans la société burkinabè. Cette caserne isolée au milieu d’un environnement dangereux à tel point que le ravitaillement ne se faisait que par hélicoptère, a été abandonnée et est devenu une cible facile pour les combattants islamistes. L’attaque a fait plus de 53 morts parmi les gendarmes. Si la démission du gouvernement a calmé temporairement la rue, elle a entamé sérieusement la crédibilité de Roch Kaboré, le président du Burkina Faso.
Récemment élu, Mohamed Bazoum, le nouveau président du Niger, a dû faire face à une tentative de coup d’Etat deux jours avant son investiture. Si ce putsch a été rapidement déjoué, cet évènement est révélateur de l’instabilité du pays. Le Niger est confronté à une double menace, celle des organisations GSIM et EIGS, et celle des groupes se réclamant de Boko Haram autour de la ville de Diffa dans la région sud-est du pays.
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Vladimir de Volog- Vénérable
- Messages : 32835
Date d'inscription : 22/01/2018
Localisation : Nouvelle Aquitaine
Re: Crise des états postcoloniaux des pays sahéliens
Les manifestations contre le convoi militaire français au Niger, qui ont fait suite à celles du Burkina Faso, se sont soldées par trois morts, probablement du fait de l’armée française. Cela ne serait d’ailleurs pas la première fois puisqu’en Côte d’Ivoire, les soldats français avaient tiré sur la foule en novembre 2004 provoquant une soixantaine de morts. Si Bazoum a limogé son ministre de l’intérieur à l’occasion de ce tragique incident, il demande une enquête à la France qui a émis une fin de non-recevoir.
Vladimir de Volog- Vénérable
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