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L’impasse de Barkhane

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Message par Vladimir de Volog Jeu 3 Fév 2022 - 23:59

L’impasse de Barkhane

Les armées du Mali, du Niger ou du Burkina sont inefficientes. La plupart de leurs faits d’armes restent l’organisation des coups d’Etat et l’instauration d’un climat de peur contre leur propre population. Il y a une sorte d’illusion qui perdure depuis des décennies sur la possibilité de rendre les armées africaines efficaces. Dans l’entretien de cette illusion, la France n’est pas en reste, alors même qu’elle se targue de bien connaître le « terrain ». Les projets comme RECAMP (Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix) qui visaient à professionnaliser les corps d’arme des pays du pré-carré africain de la France en sont une illustration [16]. Les résultats sont identiques pour le projet de l’European Union Training Mission (EUTM), structure de formation de l’Union Européenne qui promeut depuis 2013 les formations militaires au Mali, sans grand succès.

C’est un fourvoiement de penser que l’armée en tant que structure d’Etat pourrait échapper aux tares d’incurie, de corruption et de décrépitude qui affectent la plupart des Etats africains. L’Europe comme les USA tentent d’entraîner les soldats sahéliens, mais que peuvent faire ces derniers au front, quand ils manquent de carburant, de munitions ou même de nourriture comme l’a bien montré un reportage sur l’armée malienne diffusé à la télévision française. [17] La démotivation des soldats de base est profonde. Ils vivent dans des bidonvilles alors que les officiers supérieurs dont la plupart n’ont jamais mis les pieds sur un champ de bataille se construisent de luxueuses villas. Leurs soldes sont dérisoires en comparaison des rémunérations des combattants islamistes. Ils savent que leurs familles auront les pires difficultés à percevoir une pension en cas de décès.

Les aides financières sont détournées, les donations en matériels sont revendues à des milices parfois même ennemies. Ceux qui osent protester contre ces corruptions sont exclus de l’armée et certains risquent leur vie.

Quant à l’armée du Burkina Faso, elle s’est structurée sous l’ère de Compaoré en se scindant entre une garde présidentielle, élite bien entrainée et bien payée, et le reste de l’armée, regroupant des hommes peu formés et sous rémunérés.

Après la révolution qui a chassé Compaoré, le responsable de Régiment de Sécurité Présidentiel (RSP) Gilbert Diendéré a ourdi un coup d’Etat en vain. Le RSP a été dissous et ses membres éparpillés dans les différents bataillons. Autre élément qui renforce l’inefficacité de l’armée, sa division qui remonte aux mutineries de 2011. A l’époque, des régiments avaient été utilisés pour réprimer leurs collègues mutins.

Dans une telle situation les armées de ces pays sahéliens ne sont pas en capacité de résister aux avancées des rebelles islamistes qui mènent une guérilla vigoureuse. Les gouvernements du Mali et du Burkina Faso mènent une politique sécuritaire de fuite en avant qui consiste à favoriser la mise en place de milices armées d’auto-défense dans les villages.

L’exemple des Volontaires de Défense de la Patrie (VDP) du Burkina Faso est, à cet égard, éclairant. Ces groupes ont vocation à être des sources de renseignements pour les forces burkinabé et se placer en première ligne dans la défense des villages. Leur objectif est de contenir les attaques des rebelles islamistes en attendant l’intervention de l’armée. Ces VDP bénéficient d’une formation d’une quinzaine de jours et sont équipées de fusils.

Si les VDP sont ouverts à tous les Burkinabè, dans les faits les Peuls sont écartés car considérés comme complices ou potentiels complices des djihadistes. Ainsi, armer des civils en écartant une communauté entière est un risque pour la cohésion du pays, a fortiori que les conflits intercommunautaires deviennent fréquents.

En brouillant la frontière entre civils et militaires, les VDP sont devenus non seulement des cibles de choix, en tant que symboles de la compromission avec le gouvernement, mais aussi des cibles faciles, du fait de la faiblesse de leur armement et de leur entraînement. Les attaques dans les villages où ils sont présents provoquent ainsi davantage de décès des civils.

Le gouvernement malien n’est pas en reste en soutenant des milices comme le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA) au nord du Mali. Ce groupe est accusé de trafic de drogue, d’êtres humains et d’enrôlement d’enfants soldats. Nous avons évoqué au sujet de la situation au centre du Mali le soutien de Dan Nan Ambassagou sur le terrain.

Le gouvernement nigérien est plus prudent. L’épisode du village de Banibangou, lors duquel 70 miliciens du groupe d’autodéfense sont tombés dans une embuscade tendue par les rebelles islamistes, ne peut que conforter sa position.

Un point commun entre armée officielle et milices d’autodéfense est que toutes deux sont responsables de violations des droits humains qui peuvent être caractérisées comme des crimes de guerre. Le fait est d’autant plus préoccupant que ces crimes sont souvent liés à l’appartenance communautaire des victimes. Les forces armées des pays sahéliens, tout comme certaines milices, sont des partenaires réguliers de la force Barkhane. L’absence de condamnation par l’état-major français des exactions de leurs frères d’armes rend la présence militaire française, sinon formellement du moins au niveau de la perception qu’en ont les populations victimes, complice l’armée française [18]. Si on se rapporte au document « contre-insurrection » et à sa préconisation de se montrer intraitable avec les forces qui ne respectent pas les populations civiles, Barkhane reste largement en dehors des normes proclamées.

Dans les faits, l’état-major de l’armée française ne peut pas se permettre de condamner les crimes de guerre des armées malienne, nigérienne ou burkinabé, et encore moins ceux commis par l’armée tchadienne, qui, comme nous le verrons plus loin, joue un rôle crucial dans le dispositif militaire au Sahel. Le risque est trop important de provoquer une crise diplomatique qui favoriserait une déstabilisation bien plus importante de la région. Barkhane est embarquée dans une sale guerre, car, faut-il le rappeler, le nombre de victimes des armées régulières et groupes de supplétifs est supérieur à celui causé par les djihadistes [19].

L’absence total d’un minimum de contrôle politique des opérations extérieures permet d’éluder le débat sur la responsabilité de l’armée française dans les morts de civils, soit du fait de sa collaboration avec les responsables d’exactions, soit directement, du fait d’erreurs de ciblage, comme lors du bombardement d’un mariage à Bounti, au Mali, qui a entraîné la mort de 19 personnes. Pourtant, d’un point de vue légal ce minimum de contrôle politique devrait s’exercer à la vue conformément à l’article 35 de la Constitution française :

« Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote.

Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort.

Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l’ouverture de la session suivante. »

Le Tchad représente pour la France la pièce maîtresse de son engagement au Sahel. Au cours de l’opération Serval, les troupes tchadiennes se sont retrouvées en première ligne dans les batailles terrestres contre les rebelle djihadistes et ont payé un lourd tribut.

Le pouvoir tchadien utilise la lutte contre le terrorisme comme une rente qui lui permet d’assurer sa survie, et cela fonctionne. La preuve en est que la France n’a pas hésité à utiliser les forces de Barkhane pour défendre le régime d’Idriss Déby contre les colonnes du Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad (FACT), une organisation qui pourtant n’avait rien à voir de près ou de loin avec le djihadisme. Autre fait, le soutien de Macron à la prise de pouvoir par Mahamat Déby Itno à la mort de son père le 20 avril 2021, une action pourtant en totale rupture avec l’ordre constitutionnel de ce pays. En effet,la transition aurait dû être assurée par le président du Sénat dans l’attente de nouvelles élections qui devaient se dérouler dans les 90 jours qui ont suivi le décès d’Idriss Déby.

La ligne directrice de la politique étrangère de la France en Afrique est la recherche de la stabilité des pays. A cette fin, elle n’hésite pas soutenir les dictatures censées maintenir le statu quo espéré. Significative est la déclaration de l’Elysée lors du décès d’Idriss Déby, qui insiste par deux fois sur l’importance de la stabilité :

« Le Tchad perd un grand soldat et un Président qui a œuvré sans relâche pour la sécurité du pays et la stabilité de la région durant trois décennies. La France perd un ami courageux.

La France se tient aux côtés du peuple tchadien dans cette épreuve. Elle exprime son ferme attachement à la stabilité et à l’intégrité territoriale du Tchad.

Elle prend acte de l’annonce par les autorités tchadiennes de la mise en place d’un conseil militaire de transition, organe chargé de conduire une transition politique d’une durée limitée » [20].

C’est ainsi que beaucoup ont critiqué la France pour sa position diplomatique à géométrie variable, fustigeant le coup d’Etat au Mali mais approuvant celui au Tchad.

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